Pourquoi l’Arménie s’entête-t-elle à vouloir normaliser ses relations avec une Turquie qui n’en veut pas ?
La dernière déclaration du chef de la diplomatie turque Hakan Fidan qui confirme que la normalisation des relations entre la Turquie et l’Arménie et l’ouverture de la frontière arméno-turque est liée à la signature de l’accord de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Ankara rejette donc cette normalisation sur le feu vert de Bakou…
Pourquoi donc l’Arménie, de façon quasi-unilatérale cherche à nouer ses liens avec la Turquie, lorsque cette dernière fait mine de s’intéresser mais rejette à chaque fois la demande arménienne aux bons vouloirs de Bakou ? Une forme de rejet.
Pourquoi Yerevan s’entête à espérer une normalisation des relations diplomatiques avec Ankara, lorsque la solution passe par Bakou ? L’Arménie ne perdrait-elle pas son temps à espérer face à une diplomatie turque rodée aux méthodes héritées de l’Empire ottoman et de ses six siècles d’expérience, où la ruse l’emporte sur la sincérité ? Le gouvernement Pachinian et la diplomatie arménienne dans son ensemble qui a une trentaine d’années, ne sont pas affectés d’une certaine inexpérience ou naïveté ?
Et si la Turquie renvoie l’Arménie vers l’Azerbaïdjan, c’est en pure connaissance des faits : Bakou ne signera pas l’accord de paix, renvoyant ainsi les accords arméno-turcs aux calendres grecs !
Car les deux Etats pantouraniens de ce qu’Erdogan appelle « Deux Etats, une même nation » sont les pires ennemis de l’Arménie. La guerre de 44 jours en Artsakh l’a démontré. Le génocide de 1915 non reconnu tant par l’organisateur turc que son complice azéri n’est pas reconnu dans ces deux Etats qui usurpent l’appellation « République » et ressemblent davantage à des dictatures.
L’Azerbaïdjan, en bon élève de la Turquie, joue également dans la nuance avec une infinie dose d’hypocrisie. Lorsqu’Aliev fait miroiter à l’Arménie la signature proche du traité de paix, c’est pour affirmer aussitôt ses prétentions sur l’Arménie, la région du Syunik avec le « Corridor de Zankezour » et le changement de la Constitution de l’Arménie. Une Constitution dont la République souveraine d’Arménie est sommée de réviser et enlever tout passage lié aux revendication territoriales du territoire historique arménien dont font partie l’Artsakh et l’Arménie Occidentale.
Il y a quelques jours, Elchin Amirbekov le représentant spécial d’Aliev déclarait que près de 90% du texte du traité de paix entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan étaient validés par Bakou. Moins de 48 heures après cette déclaration lénifiante dont le but était de faire miroiter l’accord de paix à Yerevan, le même Amirbekov déclarait qu’il y avait deux éléments importants pour la signature du traité de paix. L’Arménie devait revoir sa Constitution et la cession du « Corridor du Zankezour » à l’Azerbaïdjan. Un passage extraterritorial devant permettre à l’Azerbaïdjan de relier le Nakhitchevan par voie directe. Une voie sur laquelle Bakou aurait la souveraineté… sur le territoire souverain de l’Arménie !
Nikol Pachinian, en démocrate, poussé par l’occident a joué le jeu en se lançant dans les négociations avec Erdogan et Aliev, deux dictateurs notoires. Pensant naïvement que la sincérité dont fait preuve Pachinian -pour ne pas dire naïveté- allaient payer et que la frontière arméno-turque serait ouverte et la paix signée entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Mais force est de constater que malgré toutes les concessions réalisées par le gouvernement Pachinian aucun acquis diplomatique n’est venu en retour ni de Bakou, ni d’Ankara.
Dans cette arène politique, Nikol Pachinian est seul, livré à deux « tueurs » complices : Erdogan et Aliev. Pourquoi ne pas sortir de l’arène ? Le gouvernement Pachinian ne pourra-t-il pas faire machine-arrière et arrêter le processus de paix qui est une sorte de miroir aux alouettes ? N’est-il pas trop tard déjà ? Car un Etat-voyou tel que l’Azerbaïdjan ne respectera aucun engagement et fera parler la poudre au moment opportun dans son rêve de conquête de territoires.
Face à des diplomaties occidentales qui mettent souvent dos à dos l’Arménie et l’Azerbaïdjan à coups de communiqués appelant au dialogue et à la paix, il ne reste plus à l’Arménie comme seule gage de paix, son armée et l’acquisition d’armes ultra-modernes.
Krikor Amirzayan
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