KRIKOR AMIRZAYAN Rubrique

Avenir sombre pour les Arméniens d’Alep, ville occupée par les islamistes armés par la Turquie


« Mon cœur saigne pour Alep ma ville natale » avais-je affirmé dans une interview au « Dauphiné Libéré » dimanche 5 août 2012, lors des premiers jours de la guerre civile qui était en cours en Syrie. Alep, cette ville de garnison ottomane au début du 20e siècle qui devait recueillir entre 1915 et 1923 nombre de réfugiés survivants du génocide des Arméniens ainsi que des orphelins, allait devenir l’un des centres les plus dynamiques de la diaspora arménienne. Cette active communauté arménienne allait se développer et devenir avant Beyrouth dans les années 1970, « la capitale arménienne de la diaspora ».

Mais l’instabilité politique et le nationalisme arabe prôné par Nasser allaient vider progressivement cette communauté arménienne d’Alep qui comptait au milieu des années 1960 près de 100 000 membres. Mais les crises politiques en Syrie, la guerre israélo-arabe en 1967 allaient provoquer une première vague d’émigration des Arméniens d’Alep vers l’Arménie, le Liban, le Koweït, l’Europe, les Etats-Unis, le Canada ou l’Australie. Fuyant cette instabilité, ma famille choisit alors de venir en 1966 s’installer en France à Valence.

Puis la vague des attaques des Frères musulmans contre le clan Assad dans les années 1970-1980 et la guerre civile de 2012 allaient vider encore plus cette communauté arménienne d’Alep qui prenait le chemin de l’exil.

La ville d’Alep, l’une des plus anciennes de la terre -habitée il y a 12 000 ans déjà- ville multiethnique et multiculturelle qui était jadis un havre de cohabitation de nombreuses communautés chrétiennes (Arméniens, Syriaques, Grecs-Orthodoxes, Assyro-Chaldéens, Maronites, etc…) et musulmanes (sunnites, chiites, alaouites, druzes, kurdes) continuait son martyr. Alep qui comptait 600 000 habitants avec ses nombreux quartiers arméniens en 1966 lors de notre départ pour la France, était pourtant devenue en moins d’un demi-siècle, la capitale économique de la Syrie avec près de 3 millions d’habitants.
Les institutions et associations arméniennes, culturelles, sportives et religieuses attiraient alors l’ensemble de la communauté arménienne autour se ses activités.

Par l’armement des groupes islamistes en Syrie, la Turquie d’Erdogan mène deux autres projets : l’élimination des Kurdes au nord de la Syrie et occasionnellement, l’affaiblissement de la communauté arménienne de Syrie.

Car Alep, est une seconde Arménie pour les Arméniens. Alep qui fit partie de l’Empire arménien de Tigrane le Grand au Ier siècle avant J.-C.
Cette énième invasion islamiste sur Alep aura immanquablement pour conséquence l’affaiblissement de cette communauté arménienne déjà affaiblie par les départs vers l’Arménie ou l’Europe. Les quelques milliers d’Arméniens d’Alep voient ainsi leur avenir s’assombrir davantage. La chute du régime de Bachar El-Assad signifierait même leur disparition. Car comment pourraient vivre ces Arméniens, premier peuple chrétien au monde dans un Etat islamiste ?

Sans réaction armée de la communauté internationale et de l’armée syrienne quelque peu affaiblie, pour déloger les islamistes, ce phare de la diaspora arménienne que fut Alep pourrait ainsi s’éteindre dans l’indifférence générale…comme lors du génocide de 1915 !

Krikor Amirzayan

par Krikor Amirzayan le lundi 2 décembre 2024
© armenews.com 2024




 
Thèmes abordés