Deuxième édition réussie pour les Trophées littéraires des NAM !
Ara Toranian remet les trophées aux lauréats : Janine Altounian (Essai), Aurore Bruna (Histoire), Yves Ternon (Biographie), Ester Mann et Levon Minasian (Roman). A droite, Anaïs Sansonetti tient la récompense de Charle Berberian (BD).
La grève des transports n’a pas entamé la détermination de toutes les personnes présentes pour la remise des trophées des NAM, ce mercredi 15 janvier au soir dans les locaux de l’UGAB Paris. Une soirée organisée en partenariat avec la région Ile-de-France.
Il faut dire que, même s’il ne s’agit que de la deuxième édition de ces trophées visant à récompenser les meilleurs ouvrages de l’année, l’événement semble déjà s’être imposé comme un rendez-vous attendu. Presque tous les lauréats étaient ainsi présents pour réceptionner leur trophée, une assiette unique imaginée par le graphiste Ara Aslanyan (à savoir l’artiste qui avait créé le logo « Doughov » - « Avec audace » - ornant la casquette de Nikol Pachinian lors de la Révolution de velours).
Changement de lieu cette année, mais le jury est resté fidèle aux Trophées des NAM : complété par Charlie Sansonetti (en remplacement de Laurent Mélikian, parti aux Etats-Unis il y a quelques mois), tous se sont réunis une semaine avant la remise en public des prix pour sélectionner les meilleurs livres de l’année (à savoir : Vincent Duclert, Gaïdz Minassian, Claire Mouradian, Patrick Kechichian, Nelly Kaprielian, Hamit Bozarslan, Lucile Schmid, Frédéric Encel, Ara Toranian, Charlie Sansonetti, Marie-Aude Panossian, André Manoukian, Michel Marian, Ara et Valérie Toranian). Ont ainsi été primés : Charles Berbérian dans la catégorie BD pour sa Playlist Deluxe ; Aurore Bruna pour L’Accord d’Angora dans la catégorie Histoire ; Ester Mann et Levon Minasian pour Le Fil de l’Ange dans la catégorie Roman ; Janine Altounian pour L’Effacement des lieux dans la catégorie Essai ; et Yves Ternon pour Frère arménien Frère juif Frère tutsi dans la nouvelle catégorie Biographie.
Ara Toranian, directeur des Nouvelles d’Arménie, s’est tout d’abord exprimé ce mercredi 15 janvier 2020 pour remercier le public et parler du rôle de ces Trophées novateurs, qui visent avant tout à assurer la fonction de prescripteur culturel et mise en avant des ouvrages qui peuvent parler ou intéresser la communauté. « Car un livre est toujours l’objet d’un combat particulièrement noble », a-t-il souligné en préambule.
Il a ensuite cédé la parole à Charlie Sansonetti qui, en son nom, celui de Valérie Toranian et André Manoukian, a décerné le Trophée des NAM de la Bande Dessinée à Charles Berberian pour son opus plein d’originalité et de qualité, Playlist Deluxe. L’occasion de partager ses souvenirs musicaux, mais aussi de dresser un hommage à son frère disparu, le réalisateur Alain Berberian. Si le dessinateur n’avait pas pu être présent - retenu pour une soirée à la Maison de la Poésie - il a malgré tout tenu, ému, à transmettre un message : « Recevoir un prix, ça fait toujours plaisir, mais là pour ce livre, je suis touché, vraiment. Ce livre, je l’ai dédié à mon frère Alain. Quand il a eu la mauvaise idée de nous quitter, les Nouvelles d’Arménie a eu la délicatesse de publier un hommage en son honneur. Mon frère, c’est lui qui a fait toute mon éducation en musique, en bandes dessinées et sans oublier le cinéma bien sûr. Toutes les occasions sont bonnes pour lui dire merci, en voici une de plus. »
Puis ce fût au tour de la catégorie Histoire, très disputée cette année. Aurore Bruna, pour son ouvrage sur l’Accord d’Angora de 1921, a finalement obtenu le prix des mains de Claire Mouradian, soutenue par Hamit Bozarslan et Vincent Duclert. Parce qu’il est rare qu’un écrit de master fasse l’objet d’un ouvrage, il est clair que celui-ci était de qualité. A partir des archives françaises, il met en effet l’avant un traité peu connu du grand public. Remerciant Raymond Kevorkian qui a préfacé son ouvrage, Aurore Bruna, soutenue par sa mère Véronique, avait fait le déplacement de Marseille et a tenu à remercier les Nouvelles d’Arménie pour ce prix qui, a-t-elle dit, « l’encourage à continuer ».
Dans la catégorie Essai, sont montés sur scène Gaïdz Minassian, Frédéric Encel et Lucile Schmid pour révéler le lauréat, à savoir Janine Altounian pour L’Effacement des lieux, un ouvrage d’une originalité profonde qui échappe à tout classement. « Ce qui m’a plu, c’est cette théorisation profonde », a mis en avant la figure de la revue Esprit, en présence notamment de l’éditeur d’Empreinte qui a fait paraître L’Heure de vérité d’Ariane Bonzon, également nominée dans cette catégorie. Ce livre de cette traductrice de Freud d’origine arménienne vise à montrer à quel point, par le biais de rencontres diverses et non via un parcours universitaire classique, il est possible de réussir son intégration à soi-même. « Il faut prendre chez les autres ce qui vous intéresse », a mis en avant la lauréate, exprimant son plaisir d’être dans l’échange avec autrui. Dans son écrit diasporique, Janine Altounian visait ainsi à montrer son parcours, qui n’est que le résultat des valeurs reçues par sa famille car, comme elle l’a souligné, « il faut faire avec l’autre »’, le transfert positif n’étant possible qu’en allant justement vers autrui.
A suivi la catégorie Roman : pour succéder au prix Renaudot Valérie Manteau mis en avant l’année précédente, ce fût Levon Minasian et Ester Mann qui ont été distingués, comme l’a révélé Michel Marian, parlant en son nom, celui de Nelly Kaprièlian et Patrick Kechichian. Dans leur ouvrage écrit à 4 mains Le fil des anges, les deux auteurs parlent de l’Arménie post-Indépendance. L’occasion de montrer toute la dureté du pays, mais aussi l’évolution du monde entier qui n’arrive plus à donner sa place aux valeurs traditionnelles tels que le travail, l’artisanat, la création, et ce via l’histoire exceptionnelle d’un grand-père et de sa petite-fille adoptive. « Une capacité d’évocation passionnante », a exprimé Michel Marian, d’autant qu’elle se transforme en allégorie de l’Arménie lorsque la relation entre les deux personnages principaux se transforment au fur et à mesure de leurs déceptions. Ester Mann s’est montrée enthousiaste pour ce prix qui la conforte dans « son Arménité d’une professeure de Lettres, Française pure souche », qui a tenté de partir de l’Arménie pour tendre à l’universel, au plus profond de l’humanité. Une idée pour laquelle a abondé son comparse Levon Minasian, qui a expliqué avoir voulu « raconter l’histoire des petits gens qui, malgré des conditions difficiles, continuent à se battre ». Car quoi de mieux que la culture - en l’occurrence ici de danseurs sur cordes - pour réussir à faire perdurer une histoire millénaire ?
Puis est venu le temps de récompenser la dernière catégorie - une nouveauté pour cette année : les biographies. C’est Charlie Sansonetti qui, après notamment avoir mis en exergue l’ouvrage Déconstruction du Turc Erol Özkoray présent dans la salle, a révélé le vainqueur, à savoir Yves Ternon pour Frère arménien Frère juif Frère tutsi. S’il ne manque pas de qualité littéraire, cette autobiographie est également le fer de lance d’un vrai parcours d’exception, tellement juste, sans aucune fioriture, à l’image de la simplicité et de la modestie de l’historien si important pour la communauté arménienne, mais également pour la France dans son ensemble. « Je ne sais pas qui a donné à qui ! », a déclaré Yves Ternon, ému par ce prix et fier de pouvoir être présent face à sa femme.
La soirée pleine de convivialité s’est terminée par un cocktail, qui a permis à chacun d’évoquer ses souvenirs et ses commentaires de lecture. Il ne reste plus qu’à dire à chacun et chacune... A l’année prochaine !
Texte et photos : Claire Barbuti.
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