Jusqu’au bout…
Dès le 20 avril 2018, dans l’article dont le lien est indiqué ci-après, et que donc Armenews avait eu l’amabilité de publier à l’époque, j’ai exprimé - et méticuleusement expliqué - mon très profond scepticisme, à l’égard de la révolution qui s’amorçait alors en Arménie : https://www.armenews.com/spip.php?page=article&id_article=9856
J’ai continuellement maintenu par la suite cette position initiale, dans une multitude d’articles et d’interviews.
Hélas, je reste toujours dans la même posture. Car fort malheureusement, au train où vont les choses, mon secret espoir de m’être trompé, d’avoir eu tort, n’est pas près de se réaliser.
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Le titre de mon susdit article était une référence évidente à une chanson mythique de Gorges Moustaki, mais avec un point d’interrogation en plus. Car c’était une mise en question de ce que le chanteur, par pudeur, ne voulait pas nommer trop ouvertement. Le titre du présent article correspond à la dernière phrase du lancinant refrain de la même chanson, dans sa forme affirmative originale.
En effet, indépendamment de toute question ou réserve concernant les résultats effectifs de ce qui est survenu, on ne peut plus mettre en doute qu’il y a bien eu une révolution en Arménie. Et étant donné que ce qui est fait, est fait, il faudra maintenant que cette révolution spécifique se poursuive, comme elle est en train de se poursuivre d’ailleurs, et qu’elle aille ainsi jusqu’au bout de sa lancée, de son parcours, de sa logique.
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Il faut cependant bien circonscrire notre propos.
Le sujet de cet article se rapporte, seulement et exclusivement
a) aux Arméniens qui, au départ, ont soutenu, applaudi et encouragé le mouvement de Nigol Pashinyan, et b) aux Arméniens qui ont gardé le silence, de Mai à Décembre 2018, et qui ont commencé par la suite à le critiquer, de plus en plus sévèrement. Jusqu’à ce qu’ils en arrivent déjà, pour certains, à le renier, à le conspuer, à invoquer rageusement la nécessité de sa démission immédiate et de la dissolution anticipée de son régime.
Quand je dis « Arméniens », ci-dessus, j’entends Arméniens d’Arménie, et de souche. Donc, excluant non seulement les Arméniens de la Diaspora dite classique, mais aussi les fameux « rapatriés » (un terme de plus en plus absurde d’ailleurs, s’agissant d’Arméniens issus de l’Arménie Occidentale et de la Cilicie, depuis des temps immémoriaux). Pourquoi, une telle « discrimination… » ? Cela est un tout autre sujet. Et comme il y a déjà trop de confusion en ces matières, un peu de focalisation ne nous fera pas de mal, et essayons donc d’éviter ici les digressions - autant que faire ce peut - .
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Alors voilà, à ce stade-ci, en tant que contre-révolutionnaire, sans complexe, de la toute première heure, et qui restera sur ses positions… jusqu’au bout de la révolution concernée, je m’insurge véhémentement contre les Arméniens dénoncés ci-dessus. Soit, les déserteurs hâtifs de la révolution et les contre-révolutionnaires trop en retard.
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Nigol Pashinyan, en tout temps durant son existence et ses activités publiques, en tant que journaliste d’abord et par la suite, en politique, n’a jamais compris la réalité de l’Arménie, et il a encore moins compris c’est qui, c’est quoi, les Arméniens.
Son Arménie a toujours été un concept purement théorique, abstrait et plutôt bizarre. Un machin imaginaire et onirique, chimérique, qu’il a confondu avec la réalité. Quant à ce qu’il croit être l’identité arménienne, cela se rapporte à tout, sauf aux Arméniens, au sens à tout le moins national du terme.
C’est un être foncièrement et exclusivement delusional [en anglais dans le texte, car ça se traduit très mal en français], et il a toujours été comme cela, dès le tout début de son entrée dans la vie publique, médiatique d’abord, politique ensuite. Donc, depuis environ 2007.
En adoptant une approche bienveillante, on pourrait dire que c’est un visionnaire, un pionnier illuminé. Dont la vision et l’illumination, cependant, pour avoir une chance de se transformer peut-être en réalité, nécessitaient encore, à tout le moins, un bon cent cinquante années de plus. Au bas mot.
Pashinyan n’est pas et n’a jamais été méchant. Il est plutôt un éternel adolescent, du genre galopin doué, garnement incorrigible, mais sympathique et insupportable en même temps. Même s’il lui est arrivé de dépasser les bornes, avec des conséquences graves, voire tragiques pour autrui - mais sans que cela soit intentionnel -. Ce fut le cas, notamment lors de la tentative de coup d’État ratée de 2008. (Rappelons cependant qu’il a été dûment jugé, condamné et puni pour cela ; alors qu’il n’était que le second violon dans cette histoire, le dirigeant principal, lui, n’ayant jamais fait face à la Justice, ni en cette occasion, ni… jamais, pour aucun de ses torts pourtant considérables.)
Considérant le profil ainsi esquissé de Nikol Pashinian, si jamais il y avait vraiment des forces étrangères occultes, derrière le mouvement qui l’a porté jusque là où il se trouve à présent, c’était sûrement sans qu’il en soit lui-même conscient. Cependant, ils n’auraient pas pu trouver un meilleur instrument pour servir leurs desseins. Du moins, jusqu’à un certain point, car il semble bien que, eux non plus, n’ont pas obtenu ce qu’ils voulaient, ce qu’ils escomptaient. Sauf si l’objectif était seulement de tout casser, saccager, mettre sens
dessus dessous.
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En avril 2018, tous les Arméniens d’Arménie savaient certainement et parfaitement qui était Nigol Pashinyan. Ce qu’il était, comment il était. De quoi il était capable, et de quoi, incapable. Tout. Depuis au moins 11 ans.
Et durant les mois de mai, juin, juillet, août, septembre, octobre et novembre 2018, à chacun de ses pas (c’est le cas de le dire…), Pashinyan a clairement et distinctement exprimé, exposé et annoncé tout ce qu’il allait faire - ou pas -, si lui et les siens parvenaient au Pouvoir. Ce qui fut réalisé par les élections parlementaires de décembre 2018.
Ainsi, en toute connaissance de cause, 70% des électeurs qui ont exercé leur droit de vote, ont voté en sa faveur.
Certes, compte tenu du taux de participation, cela représente 35% des électeurs. Mais cela ne change rien du tout au contenu de cet article, tant pis pour ceux et celles qui n’ont pas voté, s’ils sont à présent mécontents.
Ce résultat électoral, en l’absence du moindre programme électoral proprement dit, et alors que la population ne connaissait absolument pas la majorité des candidats du parti de Pashinyan, ce n’est pas un mandat politique. C’est une carte blanche. Accordée à une seule personne, pour qu’il gouverne et dirige le pays entier comme il l’entend, à tous égard. À sa discrétion.
Pashinyan n’a jamais caché son jeu. Il n’a trompé personne.
Depuis l’an 2007 jusqu’aux élections de décembre 2018, lui, n’a jamais dissimulé qui il était, comment il était, ce qu’il voulait, comment il comptait parvenir à ses fins. Le tout, tant au niveau de la forme, que du fond - s’il en est -.
Ceux et celles qui l’ont encouragé, applaudi, soutenu, n’ont pas voulu voir – ou ont fait semblant de ne pas voir, de ne pas savoir – la réalité, pourtant évidente et manifeste, de qui il était, de ce qu’il faisait et qu’il allait faire - ou pas - .
Ceux et celles qui se sont tus, l’ont laissé faire.
Et il a ainsi obtenu le Pouvoir Absolu, par la voie des urnes, par les voix exprimées de la population.
Il a tout à fait raison d’affirmer que tout ce qu’il dit et fait, ce n’est pas lui, c’est le peuple.
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Mais voilà-t-il pas que, certains de ses ardents supporters du début, entre autres critiques de plus en plus sévères à son endroit, vont jusqu’à dire que le type serait coupé de la réalité.
Que nenni ! Pachinyan n’est pas détaché de la réalité. À la limite, il n’a jamais été connecté à la réalité. Ce sont eux, ses admirateurs ou alliés d’antan, qui le conspuent maintenant, qui n’ont pas voulu voir, voir et entendre la réalité. Celle qui se manifestait et s’exprimait, continuellement de 2007 à décembre 2018, non seulement dans les paroles abondantes, mais aussi les volumineux écrits de Pahinyan.
Quant à ceux et celles qui, sans nécessairement soutenir activement Pashinyan, se sont mis à l’écart, pour regarder passer le train, eh bien, qu’ils continuent donc leur fonction de spectateur passif. Et surtout, muet.
Pashinyan n’est pas le principal responsable de la situation chaotique actuelle en Arménie. (La pandémie est hors sujet. Tous comptes faits, sur le plan politique, elle aura été utile à tout le monde, à tous les belligérants.)
Par conséquent, il serait tout à fait injuste, qu’il démissionne. Et il n’y a aucune raison pour que son régime prenne fin prématurément.
Le type n’a rien fait, ne fait rien, qu’il n’ait déclaré, exposé et annoncé, depuis le début, moult fois et de multiples façons.
Alors, ni démission, ni élections anticipés. Pashinyan doit rester à son poste, avec les siens jusqu’à 2023. Et ils continueront leur révolution, comme ils l’entendent. Advienne que pourra.
Il reste donc encore trois ans, pour que cet épisode révolutionnaire arrive à son terme naturel. Deux de ces années seront largement consacrées à la pandémie du coronavirus et à ses conséquences immédiates, la troisième, à la compagne électorale en vue des élections parlementaires. Entretemps, le gouvernement révolutionnaire fera ce qu’il voudra, ce qu’il pourra, contre vents et marées.
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Ouvrons ici des parenthèses, en empruntant cette fois-ci approximativement le titre d’une autre chanson classique, en l’occurrence celle de John Lennon : Let’s give peace a chance.
J’ai nommé, Robert Kotcharian.
Le Deuxième Président de l’Arménie est récemment sorti de prison, en cours de procès.
Nous parlons de la mise en liberté, en cours d’instance judiciaire, d’un inculpé qui n’est pas encore jugé, encore moins condamné par un tribunal. Après avoir déjà passé quelque 2 ans en prison…
Dans l’état actuel des choses, si, au terme d’un procès réel et normal, en fonction de la principale accusation (très maladroitement choisie, pour le moins dire…), il est finalement acquitté, pourquoi aura-t-il alors été emprisonné, pendant 2 ans… ? Sur le plan juridique : pour rien.
Si cette libération en cours de procès a eu lieu selon la volonté de Nigol Pashinyan, alors, sur le front interne, il s’agit là du premier pas sérieusement constructif, prometteur et bénéfique de sa part, depuis qu’il a obtenu le Pouvoir.
Ce moment crucial doit être utilisé, dans un effort visant à réaliser une réconciliation nationale.
Il n’est pas trop tard, non.
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Indépendamment des souhaits du soussigné ici exprimés, on ne sait pas cependant de quelle manière ce chapitre va se terminer. Un autre mouvement de rue, une autre révolution, est une probabilité.
D’aucune disent que cela aurait déjà eu lieu, s’il n’y avait pas eu l’instauration de l’état d’urgence en raison de la pandémie.
Vous savez, il s’agit là de la septième révolution, en République d’Arménie.
. La première, ce fut en février 1921, contre le gouvernement bolchévique ;
. La deuxième fut celle de l’indépendance, en 1991, en concomitance avec le mouvement de l’Artsakh, le tout contre le régime soviétique crépusculaire ;
. La troisième, réprimée avec les chars d’assaut de LTP, eut lieu lors de la pseudo réélection de celui-ci, en 1996 ;
. La quatrième pris la forme d’une « révolution de palais », pour en éjecter LTP, en 1998 ;
. La cinquième révolution, sous forme de tentative de coup d’État insurrectionnel, sera celle de 2008 ;
. La sixième révolution sera déclenchée suite aux élections présidentielles de 2013, son dirigeant choisissant de la faire avorter lui-même, pour aller allumer un cierge et prier, en compagnie du chef de la Police Nationale ;
. Et voilà, la 7e révolution est celle qui en cours, et qui durera donc de 2018 à 2023 ;
En excluant la « Première République », de 1991 à 2018, l’Arménie aura ainsi vécu, expérimenté, 6 révolutions. En 27 ans.
Au fait, vous savez ce que c’est, ce que Moustaki chante, Sans la nommer ? Après l’avoir définie de plusieurs manières différentes, par des formules codées et énigmatiques, il la dévoilera enfin, à la toute fin : « On l’appelle Révolution Permanente ».
Recommencera ensuite le refrain, répété et répété en boucle, à n’en plus finir, dans un cycle perpétuel. Jusqu’à ce que le son, en se réduisant graduellement, finisse par expirer…
Me Haytoug Chamlian
Canada, 01 Juillet 2020
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Haytoug Chamlian
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